Une traversée qui aurait pu mal finir

Il est malheureusement temps de quitter Raja Ampat, d’ici quelques jours nous devons être à un bureau d’immigration pour prolonger nos visas.

 

Choix de l’itinéraire

Il n’y a pas beaucoup de bureaux par ici, le plus proche est à Sorong, mais nous ne voulons pas rebrousser chemin. Sur notre route, soit on fait une traversée d’environ 500mn (925km, 3-4 jours de traversée) pour nous rendre à Wakatobi, soit on fait une traversée de 300mn (555km, 2 jours de navigation) avec un petit détour pour nous rendre à Ambon.

Les vents ne sont pas bons, nous choisissons une fenêtre avec peu de vent, au moins nous n’aurons pas les vagues de face. Nous choisissons le détour, car une fois longeant le nord des îles, nous n’avons plus beaucoup de vent, allant à Ambon nous fait passer au sud de l’île de Buru, ainsi nous espérons faire la seconde partie du voyage à la voile.

 

Traversée


Malgré le peu de vent les vagues ne sont pas agréables. Nous naviguons plein sud afin d’être un peu à l’abri des plus grosses vagues derrière l’île de Balabalak. Ensuite nous prenons le cap sud-ouest, les vagues ne sont pas géniales mais notre angle par rapport à elles est un peu mieux.

Le vent est bon et nous filons sur l’eau. Quand je vois que nous sommes régulièrement à 10-11 nœuds alors qu’il fait déjà nuit, je réduis les voiles sous la surveillance d’Elina. Pour réduire la grande-voile nous devons nous rendre au pied du mat et nous ne sortons jamais du cockpit de nuit sans surveillance.

A présent nous avons perdu un peu de vitesse, OLENA tape moins dans les vagues, le voyage est plus agréable pour les passagers comme pour le bateau. Quelques heures plus tard pendant la veille de Stéphane le vent tombe complètement et depuis, nous naviguons au moteur.

Il est déconseillé de naviguer de nuit en Indonésie à cause des DCP (Dispositif de Concentration de Poissons) et des petits bateaux de pêche qui souvent naviguent sans feux. Parfois, comme ici, les distances sont grandes et nous n’avons pas trop le choix. Nous faisons en sorte de passer près des îles quand il fait jour.

 

Détroit de Seram


Après notre seconde nuit de navigation, nous arrivons au coin nord-ouest de l’île de Seram au petit matin. Nous passons entre Seram et Boano où nous voyons plusieurs DCP.

Nous continuons notre route pour passer un tout petit détroit à la pointe ouest de l’île de Seram. Le détroit est aussi large qu’une grosse rivière, bordée de récifs. Nous avons le courant et le vent de face, nous laissons la grand-voile en haut mais nous passons ce détroit d’environ 1km de longueur au moteur.

Il y a un village le long du détroit, je fais quelques images (en haut à droite du collage photo). Quelques jours plus tard je découvrirai un très joli message sur un groupe Facebook, qui nous est adressé de la part d’une personne de ce village:


Traduction : Qui que vous soyez, votre bateau a passé mon île aujourd’hui aux Moluques, Indonésie de l’est. J’espère que votre voyage se passera bien. Bonjour d’ici.

 

Le vent dans le nez

Une fois passé ce détroit nous avons toujours encore le vent dans le nez, et il est assez fort. Nous n’avons pas d’autre choix que de tirer des bords (faire des zig-zag au plus près du vent). Nous devons descendre la côte ouest de Seram pour nous rendre à l’île d’Ambon qui se trouve au sud.

Nous sommes dans une grande baie entre l’île de Seram et Kelang, partout où nous regardons nous voyons des DCP, il y en a une grosse concentration. Il y en a autant tout près de la côte qu’au milieu de la baie par des profondeurs de plusieurs centaines de mètres.

A force de tirer des bords et de zig-zaguer entre les DCP, nous n’avançons pas beaucoup et le soleil se couche bientôt. Dans tous les guides et cartes en notre possession nous ne voyons aucun ancrage aux alentours. Il nous est impossible de naviguer à cet endroit de nuit, avec des DCP parfois séparés d’à peine une centaine de mètres, c’est trop dangereux.

Nous nous rendons au bord de l’île de Seram pour sonder la côte vers des villages (deux photos du bas à droite du collage) où l’on voit des bateaux sur les cartes satellites. C’est profond et ça tombe à pic. Puis nous trouvons un endroit où ancrer entre quelques bouées espacées. Le fond est à 25m alors que nous sommes à peine à 100m du bord juste en face d’une mosquée.

Après avoir posé l’ancre on tire dessus en marche arrière, ça tient. Mais nous ne nous sentons pas en sécurité, nous savons que ce n’est pas l’idéal mais nous n’avons pas le choix. Nous sommes à nouveau forcés d’être à une certaine date quelque part, donc on n’est pas parti avec une fenêtre météo idéale et c’est le prix à payer.

Le rivage est proche, les villages pauvres, quelqu’un pourrait facilement venir à la nage pour nous voler. Nous restons éveillés un bon moment et laissons la lumière du cockpit allumée alors que nous allons nous coucher.

 

Suite : Dérive en pleine nuit noire