Traversée Australie – Indonésie


Par hasard nous sommes 5 bateaux à partir le même jour pour la même destination. Le monocoque anglais SERENITY OF SWANWICK sont partis assez tôt le matin.

Après avoir fait le plein et fini de préparer le bateau nous levons l’ancre vers midi. Les 3 autres bateaux lèvent leur ancre dans le quart d’heure qui suit et nous suivent.

Nous perdons très rapidement les 2 monocoques néerlandais, notre ami René de BLUE SPIRIT et QUEEN B. Le catamaran anglais TAKE IT EASY, navigué par un jeune couple français, est seulement quelques miles derrière nous, ça fait plaisir d’avoir de la compagnie.

 

Cours de collision avec un tanker

Nous croisons beaucoup de tankers et cargos, nous naviguons le long d’une route bien empruntée. L’un des tankers est en train de faire monter le pilote à bord, il a changé de direction et navigue à notre vitesse à un cours de collision. Naviguant au bord de la « route des cargos » nous changeons un peu notre cap, mais le tanker continue sa route contre nous. Ça fait bizarre de voir un si gros bateau à moins de 400m qui se dirige contre nous. Puis enfin le bateau pilote le quitte et nous voyons sur l’AIS que le tanker change sa route, changement de cap que nous ne voyons pas à l’œil nu, ça fait vraiment une étrange impression.

 

Un avion nous tourne autour

Nous naviguons plein ouest faisant la même route que les bateaux se rendant à Darwin pendant environ 200 miles nautiques pour éviter les nombreux très longs filets de pêche le long de la Papouasie.

Juste avant la tombée de la nuit nous dépassons nos copains du monocoque MERLOT partis quelques heures avant nous pour Darwin. Nous avons eu un dernier échange sympa par VHF.

Vers 20h alors qu’il fait déjà nuit voilà un avion qui nous survole et nous tourne autour. C’est l’avion de l’Australian Border Force (douane australienne), ils appellent les bateaux par position pour nous vérifier ainsi que notre destination. Nous sommes surpris qu’ils n’aient pas d’AIS pour nous appeler par nos noms de bateaux, ou alors ils font semblant de ne pas en avoir.

Ainsi nous entendons que SERENITY n’est pas trop loin devant nous et que l’autre bateau parti quelques heures avant nous est en partance pour Darwin.

 

Filets droit devant !


Ayant du vent arrière, nous naviguons souvent avec les 2 voiles avant en ciseaux, ce qui limite un peu nos corrections de cours. C’est le début de notre seconde nuit, nous sommes 4 miles au nord de ma route quand tout à coup je vois 3 bouées apparaitre sur l’AIS quelques miles devant nous. Ce sont les bouées de filets de pêche. Je change de cap pour monter un peu plus au nord puis 2 nouvelles bouées apparaissent. J’ai à présent 10mn (18.5km) de filet du sud au nord et je ne sais pas où se trouvent les extrémités.

Les français de TAKE IT EASY sont un peu plus au nord à l’arrière, je les contacte car ils ont Starlink (internet par satellite). Malheureusement il n’y a qu’une seule bouée qui apparaît sur Marinetraffic.

Les SERENITY nous entendant à la VHF nous appellent, ils se trouvent entre OLENA et les bouées. Nous essayons de trouver la solution pour contourner ce filet. J’ai vu passer un cargo 13mn plus au nord donc je pense que la fin serait peut-être là-bas, mais les SERENITY pensent que les cargos passent à travers sans y prêter attention (et ils auront raison, car un peu plus tard nous verrons un cargo chinois passer en plein milieu là où nous avons changé de cap). La bouée la plus au sud sur notre AIS porte le mot « endri » dans son nom plus un pourcentage que j’ai vu changer. Nous essayons de comprendre à quoi rime ces pourcentages, si il y a un lien avec la position de la bouée par rapport au filet, mais les anglais restent sur le terme « endri » se disant qu’il y a le mot « end » dedans. Nous décidons tous les 3 bateaux de faire route au sud pour contourner le filet.

Réveillé par nos échanges VHF, Stéphane vient m’aider car il faut monter la grande-voile pour l’heure que nous naviguons contre le vent et les vagues pour faire les 6 miles qui nous séparent de la bouée « endri ». 2 nouvelles bouées « endri » apparaissent à l’ouest de la première mais aucune au sud. Les anglais avaient raison, c’est bien la dernière bouée ! Nous passons la bonne nouvelle par VHF à nos deux bateaux copains derrière nous.

Nous devons naviguer encore 7 miles à l’ouest pour contourner ce ou filet avant d’enfin pouvoir faire route nord-ouest.

Les dimensions du filet que j’ai pu voir sur notre AIS est de 5mn (9.25km) est-ouest et de 10mn (18.5km) nord-sud, sachant que nous n’avons pas vu toutes les bouées au nord. Les bouées étaient espacées de 2.5mn.

 

Enormes filets de pêche


A présent nous sommes à l’extérieur de la zone économique exclusive (zone où se trouvent les filets) et suivons la bordure de cette zone. D’autres bouées apparaissent sur notre AIS en bordure de notre chemin et nous sommes surpris de voir que les bouées sont « immatriculées » du Sri Lanka et de Bahrain. Nous marquons les bouées sur notre carte pour avoir une idée des dimensions. 49 bouées sur 3 lignes, d’une largeur de 9mn (16.5km) et d’une longueur de 30mn (55.5km).  Quel choc, quelle tristesse ! Ces filets ça prend tout, les tortues, les requins, les dauphins, tout ce qui a le malheur de passer par là ! Stéphane et Elina ont vu une tortue peu de temps avant l’apparition des bouées.

Quand on nous racontait cette route avec des filets de 5km de longueur je pensais que c’était exagéré, comment remonter un filet de 5km à bord d’un bateau de pêche ? Eh bien ce n’est pas 5km, c’est 11x plus long.

Nous arrivons à l’endroit où la limite de la zone économique exclusive par à l’ouest, nous n’avons pas le choix, nous devons continuer notre route dans la zone.

Nous sommes en contact VHF avec les TAKE IT EASY, eux surveillent Marinetraffic et nous avons un meilleur AIS, nous nous tenons au courant.

 

Flottille de bateaux de pêche

Nos amis américains du bateau PAZZO, partis un jour avant nous, nous envoient des informations de leur passage. Selon leurs infos nous tentons d’éviter une grosse flotte de bateaux de pêche.

Comme il fait nuit nous voyons les lumières de la flottille, ils ont tant de lumières ! Nous comptons 21 sources de lumières, mais il se peut qu’il y ait bien plus. Ils n’ont pas ou de mauvais signal AIS, seulement 4 apparaissent sur notre AIS.

 

Le plaisir des enfants

En plus de la télé chaque soir, ce qui plait beaucoup aux enfants lors des traversées c’est les fêtes de mi-chemin. Nous avons l’habitude de faire un apéro qu’ils aiment nous préparer. Cette-fois Cyliane nous a préparé un guacamole, elle fait le meilleur guacamole de nous tous, c’est la reine du guacamole !

Depuis quelques mois Cyliane et Timeo veulent faire une veille de nuit, nous profitons de le faire lors de cette traversée, dont la météo est vraiment clémente. Le vent est assez régulier et de l’arrière, les vagues pas trop mauvaises et également de l’arrière, mis à part ces vagues qui viennent régulièrement du sud qui déstabilisent le bateau à chaque fois.

Cyliane fait la veille avec moi lors de la 3ème nuit, elle a pris son travail très sérieusement, une parfaite équipière !

Timeo a fait la veille avec moi lors de la 4ème nuit, on va dire qu’il m’a tenu compagnie. A un moment je le vois couché sur le sol de la cuisine, il venait de s’endormir. Mon rire l’a réveillé, il a ensuite continué de me tenir compagnie.

 

Notre potager fait la grève

Notre nouveau potager que nous avons installé il y a 5-6 semaines, fait la grève ! Il nous a déjà fait le coup lors de notre remontée de la péninsule de York mais le lendemain tout était réglé, donc on n’a jamais su le pourquoi de la panne.

Le gaz n’arrive pas, pourtant la bouteille est pleine ! Nous essayons tous les brûleurs et le four, rien à faire. Je m’imagine que ça a avoir avec les vagues, car en Australie ça secouait pas mal quand il n’a plus voulu fonctionner.

Nous n’allons pas manger froid, Stéphane avait acheté une plaque à induction avant notre départ en voyage comme back-up au cas où nous manquerions de gaz. Jusqu’à présent elle n’a servi que dans les marinas où nous étions branchés au courant ou lorsque nous faisions de la fondue.

Nous avons une planche qui couvre le potager pour y mettre la plaque au-dessus. Seulement le nouveau potager est un peu plus haut, les pieds sont trop courts. Nous utilisons des Légos pour parer au manque de hauteur, nous ajoutons des bouts de pattes humides dessus et dessous les Légos afin qu’ils ne glissent pas avec les vagues et le tour est joué !

De cuisiner à l’induction dans les vagues ce n’est vraiment pas pratique du tout. Nous ne pouvons pas mettre d’antiglisse sous les casseroles et la plaque n’a pas de rebord où l’on peut y mettre les attaches des casseroles. Alors nous cuisinons à deux, l’un tient les casseroles le second cuisine.

Le potager continue sa grève jusqu’à notre arrivée. Une fois à l’ancre Stéphane découvrira que c’est le détendeur sur la bouteille de gaz qui ne fonctionne plus. Après un changement de détendeur notre nouveau potager fonctionne à merveille.

 

Mauvais planning

Nous faisons toujours en sorte d’arriver de jour à des endroits inconnus. Là nous avons fait une grosse bourde suite à une erreur ou un malentendu.

Stéphane a vu sur Navionics que notre arrivée est estimée en début de soirée. Pour moi qui ne regarde pas ce genre d’information, je me fie aux distances, c’était clair, nous sommes trop rapides.

Je ne sais pas pourquoi, mais cette fois nous n’avons pas vraiment communiqué sur ce sujet et nous voilà dans la situation que quoi qu’on fasse, on passera le chenal entre les deux îles Kai de nuit. Certes nous pouvons ralentir mais il est trop tard pour arriver à l’entrée du chenal au petit matin.

Nos amis PAZZO qui sont arrivés à destination nous ont envoyé des informations. Le passage entre les deux îles Kai est bourré de bouées faites de barils de 200lt et à certaines sont accrochées des huttes de chaume flottantes. Ce sont des piscicultures et ce n’est pas illuminé de nuit et il est peu probable que nous les voyons sur le radar.

Alors que nous pensons passer en plein milieu où il y a 300m de fond, croyant qu’ils ne vont pas mettre de bouée dans ces profondeurs nous recevons de nouvelles informations des PAZZO. Lors de leur passage ils ont vu un ravitailleur qui longeait l’île de Nuhuroa en suivant la ligne des 100m de fond. Ils en ont déduit qu’ils passaient par là pour éviter les bouées. Les PAZZO sont passé au milieu et c’est là qu’ils ont dû zig-zaguer entre les bouées et huttes.

Nous nous approchons des îles alors que le soleil est en train de se coucher. Nous voyons l’un de ces tonneaux par plus de 1000m de fond puis un peu plus loin un bateau de pêche qui saute dans les vagues. Il doit être amarré à un autre de ces tonneaux, car impossible d’ancrer par ces profondeurs. Tout à coup on voit un bâton vertical qui flotte, ça doit être une petite bouée de pêche. Aucune lumière, aucun drapeau, juste un bâton. Ça promet pour la traversée du chenal.

 

Passage du chenal entre les îles Kai

La nuit tombe alors que nous entrons dans le chenal. Je rage et j’ai peur, nous sommes 12 heures trop tôt ! Les filles se relayent pour faire la surveillance avec moi. Je passe un bon moment assise à l’avant du bateau, un torche à la main, à scruter l’eau devant nous. Par chance la lune est bien claire, une fois les yeux habitués à l’obscurité on voit mieux qu’avec la torche.

Des dauphins passent nous saluer, quand j’allume ma torche pour les voir, ils ont disparu.

Je ne vois aucun tonneau, aucune hutte. Apparemment les PAZZO nous ont donné des infos en or, Merci ! Nous continuons de scruter l’eau devant nous depuis le poste de pilotage et posté devant la fenêtre ouverte du cockpit. Nous sommes toujours 1 à 2 à scruter jusqu’à ce qu’on arrive au nord de l’île. Depuis là, les PAZZO n’ont plus vu aucune bouée.

 

Arrivée à Tual

Tual se trouve au bout d’un chenal à l’intérieur de son île. Nous devons suivre la route entre les marquages pour éviter les rochers et récifs pour nous rendre au fond de ce chenal. Les PAZZO nous ont avertis que les marquages étaient corrects et qu’il manque juste un feu rouge.

De gros bateaux sont ancrés le long du « chemin », certains sans lumière. Heureusement nous les voyons sur le radar et une fois proche, nous les voyons grâce à la lune.

C’est vers 3h20 du matin (heure locale) que nous posons l’ancre en bordure du récif en face de la ville de Tual. Les PAZZO ont laissé leur AIS allumé afin qu’on sache où ancrer.

Nous avons navigué 733 miles nautiques en 4 jours et 16h20, ce qui nous fait une moyenne de 6.52 nœuds.

Stéphane et moi avons rangé un minimum pour aller nous coucher car aucun de nous n’avons encore dormi cette nuit.

 

C’est quoi ces cris ?

A peine endormis qu’on se fait réveiller par une voix forte sur un ton plaintif. Il ne nous faut pas longtemps pour deviner qu’il doit avoir un minaret pas loin, nous sommes en pays moitié musulman.

Puis voilà que j’entends quelqu’un qui se promène sur le bateau. Je monte tout doucement pour voir ce qui se passe et je découvre Elina qui est devant l’ordinateur en train de chercher où nous sommes sur les cartes marines. Quand elle me voit elle me demande ce que sont ces cris.

Elina a déjà été en Egypte, mais là où nous étions il n’y avait pas de minarets. Une bonne partie de sa classe d’école était musulmane, mais les minarets ne sont pas les choses qu’ils racontent. Et nous n’avons pas non plus pensé à ça, donc nous n’avons pas avertis les enfants. Elina ne sachant pas ce que c’était a eu un peu peur.

Il nous faudra nous y faire, tous les matins vers 5h30 puis à plusieurs reprises tout au long de la journée jusqu’au soir nous entendons jusqu’à 3 minarets en même temps. Parfois c’est un peu cacophonique, c’est surtout ça qui dérange, quand on en entend qu’un seul ça va.