La promotion des eaux polynésiennes
La Polynésie, dans son projet d’augmenter ses touristes pour avoir plus de revenu, a changé ses lois par rapport au nautisme. Depuis quelques années, le temps de séjour autorisé a été augmenté (de 6 mois à 3 ans*), la taxe pour l’immatriculation du bateau en Polynésie a été baissée à 7%. La Polynésie était présente dans divers rencontres nautiques en Amérique et ailleurs pour promouvoir les eaux polynésiennes, dans le but d’attirer les plaisanciers.
Les citoyens n’ayant pas le nez dans les lois et décrets ne savent rien de ces changements. Chaque année, les mouillages se remplissent de plus en plus. La plus grande densité des bateaux se trouvant aux îles de la Société (Tahiti à Bora-Bora), les locaux commencent à se sentir envahis et il commence à y avoir des tensions.
* Le 8 juillet 2020, le conseil des ministres a réduit la durée maximale d’admission à 24 mois.
L’arrivée du Covid19
A la fermeture de la frontière polynésienne lors de la crise du COVID 19, tout nouveau bateau arrivant de l’étranger a été obligé par la loi de se rendre à Tahiti. La plupart d’entre eux ont commencé leur traversée du Pacifique bien avant la crise, car il leur faut 4-8 semaines depuis Panama.
Les Polynésiens ne savent rien de cette loi. Les mouillages débordent de bateaux et chaque jour de nouveaux bateaux arrivent et s’entassent comme des sardines dans une boîte.
La politique sème le trouble
Puis vient le déconfinement, le président Fritsch annonce dans son communiqué de presse « les voiliers accueillis en surnombre dans les zones de mouillage doivent continuer leur voyage ». Cette phrase agit comme une bombe. Le verbe « accueillir » ne laisse pas entendre qu’ils ont été contraints de se rendre à Tahiti, puis par « doivent continuer leur voyage » le message est clair. Mais contrairement à la plupart des locaux, Monsieur le Président sait pertinemment que les frontières de tous les pays du Pacifique sont fermées et qu’il nous est impossible de continuer notre voyage !
Depuis que nous sommes en Polynésie, nous avons réalisé que la politique est différente en Polynésie. Les politiciens agissent et informent ce que le peuple a envie d’entendre et de voir, afin de gagner des voix aux prochaines élections. Tant pis pour les dommages collatéraux.
Les médias n’aident pas
L’histoire ne s’arrête pas là malheureusement. Les locaux ayant bien été informés que nous devons dégager, s’y mettent aussi. Ils font des démonstrations pour les médias. Ils tournent autour des voiliers avec des banderoles de protestation, le temps d’avoir toutes les images nécessaire pour la TV puis tout le monde s’en va. Était-ce une protestation ou une mise-en-scène de propagande médiatique ?
Car les médias entretiennent eux aussi cette tension. Ils ne prennent que certaines parties d’interview, mettent des titres et des phrases qui font réagir, genre «…un véritable ballet de voiliers…. » en parlant de 5 voiliers. Dans le cas de malades du Covid sur un bateau de pêche industrielle ils parlent de marins dans le titre et y apposent une image de nos annexes. Très suggestif pour les personnes ne lisant pas l’article. Serait-ce de la manipulation médiatique ?
La politique interdit le mouillage
Les politiciens réagissent dans le sens du peuple. Face à la haine et au rejet des plaisanciers par certains locaux, ils sortent un décret interdisant tout ancrage entre les 2 passes vers Papeete, lieu de passage obligé de presque tout navire, car c’est à Papeete qu’on trouve les pièces de rechange, la main d’œuvre, les médecins, les dentistes… tout ce qu’on a besoin. Il y a bien 2 marinas, bien onéreuses et surtout bien pleines ! La prise de corps morts payant est obligatoire, seulement les corps-morts (bouées) n’existent pas encore et les tahitiens ont déjà fait une pétition contre leur installation. Pour une fois, le passage de cette loi a bien été médiatisé pour bien informer les locaux que c’est interdit d’ancrer!
Exemple de haine vis-à-vis des plaisanciers. Source : lettre de l’AVP
La directrice des affaires maritimes fait l’annonce à la télé « Le mouillage est interdit partout en Polynésie ! sauf là où il est autorisé…”. Imaginez les répercussions de cette phrase, certains locaux se sont chargés de faire la police puisque tout mouillage serait interdit. Quand il lui a été reproché le manque de transparence des décisions politiques face aux voiliers, avec exemples des répercussions, cette même dame a répondu « Considérez que le mouillage est interdit partout en Polynésie, et que vous avez le droit de ne mouiller nulle part sans autorisation préalable ».
Les préjugés pleuvent
Il y a de plus en plus de violence verbale face aux voiliers à Tahiti. En plus des exemples de rejet ou de maltraitance des plaisanciers pendant le confinement cités par l’Association de Voiliers de Polynésie (AVP) » dans leur lettre à la Présidence et au Haut-Commissariat, les préjugés nous pleuvent dessus. Nous y avions déjà eu droit par un ministre lors de sa réunion politique avec les plaisanciers en octobre dernier. Nous polluons par nos pipis et cacas dans l’eau, nous empoisonnons leurs poissons…
A croire que les locaux ne sont même pas informés de l’endroit où leurs eaux usées sont rejetés. Seule une petite minorité de Tahiti est branchée sur le réseau de la station d’épuration. Le reste de l’île, comme la plupart des îles polynésiennes, se déverse dans la mer. Les tests de qualité de l’eau récents le prouvent : à Tahiti, l’eau vers les voiliers est propre, la pollution vient des rivières, donc de la terre.
La qualité de l’eau est très importante pour les voiliers. La plupart d’entre-nous produisons notre propre eau en puisant l’eau sous nos coques pour la dessaler. Pensent-ils vraiment que nous buvons de l’eau faite de nos pipis et cacas ? La plupart des voiliers possède des cuves d’eaux noires, càd des réservoirs dans lequel se déversent nos eaux usées. Généralement nous vidons ces eaux en mer, loin des côtes.
Touristes génants
Par manque d’information et de transparence des politiciens et médias, certains locaux nous haïssent et nous rejettent. La Polynésie a tout fait pour attirer les plaisanciers, mais une fois sur place, nous nous rendons compte qu’ils n’ont jamais adapté les infrastructures et que nous sommes des touristes gênants!
Un goût amer
Partis d’Europe il y a bientôt 3 ans avec nos 3 enfants, ayant traversé 2 océans à vitesse d’escargot car le vent est notre moteur, ça laisse un goût amer de nous faire traiter de pollueur. Nous pratiquons une écologie au quotidien avec l’économie de l’eau et d’énergie. Vivre sur un bateau c’est vivre le plus en harmonie possible avec la nature.
Inquiets pour l’avenir du nautisme
Les Marquises, qui sont moins visités par les touristes venus par avion, ont diversifié leurs revenus contrairement à certaines îles polynésiennes qui ne vivent que du tourisme par avion. Nous avons eu droit à des articles chaleureux comme « Le tourisme nautique, pilier économique de Nuku Hiva ».
Aux Marquises, nous sommes encore les bienvenus, mais nous ne pouvons nous empêcher d’être inquiets pour l’avenir du nautisme en Polynésie, pour les futurs plaisanciers tout comme pour nous, tant que nous sommes bloqués ici à cause du virus. Malgré les 14 mois passés dans ce magnifique pays, à naviguer entre les Marquises et Bora-Bora, il est très désagréable de se savoir à un endroit où nous ne serions pas les bienvenus.