Après une bonne journée de navigation nous rejoignons SUNRISE II au mouillage de l’île de Sibu, une des îles appartenant au Sultan de Johor. On nous a dit que c’est un parc national et qu’on achèterait nos billets à notre arrivée à Tioman, qui fait partie du même parc. Il se peut parfois que le Sultan fasse une visite à ses îles, dans ces cas-là, des officiels viendraient nous demander de partir ce qu’il faut faire pour éviter tout ennui.
Nous sommes 7 bateaux du rallye au mouillage, nous nous rendons au Resort pour boire l’apéro et voir avec eux si c’est en ordre d’être mouillés ici. Ils nous informent que tout est OK tant qu’on est ancré dans du sable, ce qui est le cas de tous.
Le lendemain matin tôt SUNRISE II part, laissant KAIHANU, LIDA GIRL, NANDJI, OLENA, SABBATICAL II et WODAN au mouillage.
En haut à gauche : coucher de soleil. En
bas à gauche : lever de soleil.
En haut à doite la flotte qui part au petit matin.
Visite des garde-côtes
Stéphane est en plongée en train de s’occuper de notre passe-coque. Lors de notre navigation du jour d’avant, nous nous sommes laissé dériver un bon moment pour essayer de déboucher le passe-coque qui était complètement bouché par les coquillages malgré le filet à l’entrée d’eau. Là Stéphane essaye de casser les coquillages depuis l’extérieur, car c’est l’eau de refroidissement du frigo et congélateur et ça doit pouvoir circuler.
Et voilà que les garde-côtes nous abordent, Stéphane sort la tête de l’eau pour communiquer avec eux alors que je leur amène les documents requis. Pour nous c’est un contrôle de routine, les garde-côtes sont sympathiques, ils nos posent des questions et contrôlent nos documents dont ils envoient des photos au bureau. Mais vite je ressens le malaise de celui qui est au téléphone avec son chef à terre, ils parlent beaucoup puis il me pose des questions, puis parle à nouveau à son chef. Un peu mal à l’aise il nous dit que le capitaine doit les accompagner au bureau pour un contrôle, le chef veut nous voir personnellement.
Stéphane toujours dans l’eau me dit d’y aller et informe les garde-côtes que nous sommes tous les deux capitaines et propriétaires. Autre malaise, je suis une femme et ils ne veulent pas, ils préfèrent attendre que Stéphane sorte de l’eau, se décape, se douche et s’habille.
Pendant ce temps, ils ont créé une pancarte avec le nom du bateau, la date et numéro de cas qu’on doit coller près de notre écran montrant notre position d’ancrage pour qu’ils fassent des photos. Une fois Stéphane prêt, ils font une photo de nous. Puis Stéphane monte sur leur bateau. Etant bientôt midi je lui lance quelques barres de céréales et sa bouteille d’eau.
Ils font plusieurs tours d’OLENA et nous photographient sous tous les angles alors que Timeo part faire un peu de kayak. Puis les voilà qu’ils nous abordent à nouveau. Il me faut rappeler Timeo car nous devons refaire la photo de groupe, cette-fois avec la fameuse pancarte. Stéphane et Timeo font les petits signes de mains que les asiatiques aiment tant nous voir faire mais là ça ne passe pas, nous devons être sérieux. L’image des films américains où la personne arrêtée se fait photographier avec son numéro de détenu me passe par la tête, et la suite de l’histoire nous confirmera que c’est bien ça.
Après avoir passé une heure chez nous, ils partent visiter le second bateau.
Visite des autres bateaux
WODAN est le second bateau à être visité et le capitaine émet ses craintes de laisser ses passagers, femme et deux enfants en bas âge, seuls sur le bateau. C’est lui le responsable, en cas de gros orage sa femme n’a pas de permis. Les garde-côtes proposent de nous rendre tous à Mersing à une 20aine de miles d’ici, mais ils ne se rendent pas compte qu’il nous faut 4 heures pour nous y rendre. Le tout prend beaucoup de temps, au final le capitaine remet les papiers du bateau et tous les passeports aux garde-côtes qui, après avoir passé une heure vers le second bateau, repartent sans lui.
Pendant ce temps je commence à tourner comme un lion en cage. Mon ressenti est passé de simple contrôle de routine à « Stéphane est en otage sur le bateau des garde-côtes ». Le groupe Whatsapp du rallye se remplit de messages après que j’aie informé de ce que les autres bateaux doivent préparer pour la venue des garde-côtes. Et surtout fait en sorte que les autres derrière nous ne viennent pas ancrer ici. Les bateaux dans les ancrages des autres îles de Johor ont tous levé l’ancre pour quitter les lieux.
Ils accostent KAIHANU et là le tout prend bien moins de temps. Je suis soulagée de voir Warwick rejoindre Stéphane sur le bateau des garde-côtes. Il leur faudra un peu plus de 3 heures pour visiter les 6 bateaux et prendre les 6 capitaines avec eux. L’organisateur du rallye ayant fortement conseillé à tous les capitaines de partir avec les garde-côtes, le capitaine de WODAN a fini par les rejoindre.
Abandonnées par les capitaines, je fais le tour pour voir que tout va bien sur les autres bateaux. Aucune des 5 dames n’a de permis de bateau et certaines seraient bien incapables de manœuvrer leur bateau en cas de problème.
Vitesse : 35 nœuds
C’est l’après-midi qu’ils quittent le mouillage pour se rendre à Mersing au bureau des garde-côtes. Stéphane nous envoie régulièrement leur position sur le groupe Whatsapp, nous pouvons voir qu’ils naviguent à 35 nœuds ! Puis voilà qu’ils dépassent Mersing et continuent de se diriger plus au nord. Ça pue ! Je continue à tourner comme un lion en cage et je l’écris carrément sur le groupe. Sur quoi Sazli, l’organisateur du rallye, et James, le propriétaire de la marina de Pangkor qui rejoint la flotte à plusieurs reprises le long du rallye, nous calment et nous expliquent qu’à cause des marées il n’est pas possible d’enter à Mersing. Leur hors-bord ne peut pas aller à Mersing mais ils voulaient y faire entrer 6 voiliers dont 4 monocoques avec de longues quilles !
Bus pour prisonniers
A leur arrivée à Tanjung Gemok, ils sont introduits dans un bus pour le transport des prisonniers. Les fenêtres ont des barreaux et la partie pour les passagers est séparée de l’avant par du grillage.
Stéphane envoie des photos à Peter, notre ami suisse vers Pangkor.
Entre-temps Sazli et James se démènent pour nous sortir de là, il est à présent clair qu’il ne s’agit pas d’un simple contrôle. Sazli envoie au groupe la copie de la lettre qu’il a envoyé aux autorités. Une fois passée dans Google translate je blêmis en lisant qu’ils s’excusent de nos tords et que le rallye prend en charge les frais. Quel tords ?
Interrogatoire
Après avoir confisqué tous les passeports et les documents des bateaux, les 6 capitaines passent tous ensemble à l’interrogatoire. La première question étant s’ils savent pourquoi ils sont là. Non, personne ne sait. Sur quoi ils sont informés qu’ils sont arrêtés pour ancrage illégal.
En plus de ça il nous accuse d’être illégaux en Malaisie, comme quoi on serait venus directement d’Australie. Pourtant les garde-côtes ont vu nos passeports qu’ils ont photographiés et envoyé au bureau. De plus ils sont au courant que nous sommes un rallye parti de Langkawi, en Malaisie, et que nous avons déjà fait plus de la moitié du tour de la péninsule.
Un représentant du parc national se présente, vend les tiquets d’entrée au parc aux 6 capitaines et informe que selon lui, tout est OK. Il n’y a pas de bouée, nous sommes ancrés dans le sable.
Alors que le soir est en train de tomber, ils sont informés que les formalités vont prendre encore plusieurs heures. Quelles formalités ? Les papiers pour la confiscation des passeports et des papiers des bateaux.
Entre-temps, l’un des participant du rallye a trouvé un article de la confiscation d’un bateau moins d’un an auparavant qui était ancré à Tengah, une île voisine de Sibu, par le même chef des garde-côtes. Confiscation du bateau et arrestation de l’équipage pour un moment puis ils s’en sont sortis avec une belle amende. Mais eux n’auraient pas fait leur entrée dans le pays ce qui n’est pas notre cas.
Coup de pouce de l’Amiral
Pendant l’attente entre les interrogatoires, Peter appelle Stéphane et ils conversent en suisse-allemand, personne ne peut les comprendre. Il se trouve qu’un des amis de Peter est l’Admiral de la côte est, et il a pris contact avec lui pour lui faire part de la situation. Il dit de ne pas s’inquiéter, que tout va très vite se résoudre.
Un homme en t-shirt et shorts arrive, il s’asseye vers nos 6 capitaines et converse un peu avec Mike de LIDA GIRL. Puis le voilà qui entre dans le bureau du chef. Moins de 5 minutes plus tard, les 6 capitaines sont appelés dans le bureau du chef qui leur remet les passeports et papiers des bateaux tout en leur donnant un avertissement.
Ils sont libres, mais la marée est trop basse pour sortir de la rivière, les garde-côtes leur donnent rendez-vous un peu plus tard. Pendant ce temps ils se rendent au premier restaurant qu’ils trouvent pour manger, car avec les premières visites dans la matinée, certains comme Stéphane, n’ont même pas pu prendre leur repas de midi.
Retour aux bateaux
Une fois la marée assez haute, les voilà repartis avec la même équipe de garde-côtes. En pleine nuit ils traversent les eaux à 35 nœuds.
A 21h45 Stéphane est de retour à bord. L’un des garde-côtes le prend dans ses bras en s’excusant, il dit que ce qu’ils ont fait n’est pas correct. Ils n’ont fait qu’obéir aux ordres de leur supérieur, nous avions déjà bien senti leur malaise lors du contrôle.
Stéphane aura été en détention pendant 9h45, loupant ainsi le jour de notre anniversaire de mariage.
L’Amiral a appelé notre ami Peter à 22h00 pour être sûr que les 6 capitaines sont bien de retour sur leurs bateaux.
Le lendemain matin nous quittons tous l’ancrage tôt, néanmoins OLENA a reçu une extension d’une à deux heures car Stéphane doit finir son travail sur le passe-coque. C’est après sa plongée que nous suivons la flotte.
La loi derrière notre arrestation
Il s’avère qu’il n’y a qu’une seule loin maritime en Malaisie, qui est celle des cargos. Cette loi mentionne qu’il est interdit de s’ancrer à moins de 2 miles (3.7km) d’un parc national. C’est sur cette loi que se base notre arrestation.
Selon le chef des garde-côtes, notre permis du parc national nous permet de traverser les eaux du parc national, d’être en dérive autour des îles pour, par exemple, larguer et reprendre des plongeurs, et de prendre des bouées. Comme il n’y a pas de bouées, nous ne pouvons pas nous y arrêter.
Stéphane lui avait montré notre guide de croisière du rallye, sponsorisé par l’office du tourisme du pays et plusieurs états, dont le point 91 est l’ancrage en question. Il y a jeté un regard dédaigneux puis a jeté le guide.
Hypotèses
Lorsque les garde-côtes étaient sur notre bateau avec le chef au téléphone, nous supposons que l’ordre était de nous embarquer tous, comme pour le bateau arrêté 11 mois auparavant. Mais n’ayant pas la place pour 12 adultes et 5 enfants, ils ont décidé d’embarquer les capitaines et les passeports de tous.
La manière dont le chef a traité les capitaines nous fait croire qu’il pensait faire un gros coup avec cette arrestation. Le fait que ça a été interrompu par l’Amiral n’a pas eu l’air de lui plaire. Peut être se voyait-il déjà à la porte d’une promotion ? En tout cas en tant que chef d’une équipe rapportant 6 grosses amendes, c’est bon pour l’égo.
Nous remercions Peter, l’Amiral et son assistant qui nous ont sorti de ce pétrin, car sans eux nos capitaines auraient certainement passé la nuit en détention.