En route pour Fakarava

ALKYONE sont parti le soir, car ils avaient annoncé peu de vent le lendemain. Nous ne voulions pas sortir de la passe de nuit, tant pis s’il fallait faire du moteur.

6h15, SERENITY et nous mettions les moteurs en marche. Une fois de plus, Stéphane a dû sauter à l’eau pour décoincer l’ancre. Aux Tuamotu, il y a de petites patates plein le mouillage. On regarde bien où poser l’ancre, mais à cet endroit-là, elles sont très proches les unes des autres. J’avais posé l’ancre au milieu de patates, mais après 15m de chaîne, le temps d’accrocher une bouée, l’ancre s’était déplacée vers une patate et s’est coincée.

La façon d’ancrer dans ces mouillages est nouveau pour nous. Au bout d’une certaine distance de chaîne, on ajoute une bouée (nous utilisons celles des pêcheurs, trouvées sur le récif, d’autres utilisent des pare-battages), si on met beaucoup de chaîne, on y ajoute encore d’autres bouées. Comme cela, théoriquement la chaîne passe au-dessus des patates et on ne s’emmêle pas la chaîne dans les coraux et les cassons moins. La théorie est facile, la pratique est encore à entraîner. Nous devons organiser des mousquetons afin d’accrocher les bouées plus rapidement.

Une fois libre, nous sortions de la passe facilement, malgré les vagues. Le vent est un peu plus fort qu’annoncé, ce qui nous arrange. Nous sommes à l’arrière d’un front, nous le suivons, c’est peut être grâce à lui que nous avons assez de vent pour faire de la voile. On s’approche de plus en plus du front, ne sachant les vents qui nous y attendent, on réduit les voiles. On entre dans le côté du front, juste à sa fin. Surprise, il n’y avait plus de vent. Nous avons dû faire du moteur pendant 1h30 avant d’avoir à nouveau du vent pour faire de la voile.

 

La passe sud de Fakarava

On arrive devant la passe, je vois d’énormes vagues, l’angoisse (chez moi) commence. Stéphane se rapproche de la ligne de guidage pour aller voir l’entrée de plus près. Les vagues en forme de rouleaux sont sur les 2 côtés, pas dans la passe. Jost nous appelle par VHF, je lui dis qu’on n’a pas le temps, heureusement car il allait me dire qu’il attend à cause des vagues, ce qui m’aurait stressé encore plus (depuis son angle, les grosses vagues en rouleau donnaient l’impression de passer au travers de la passe). Un dinghy s’approche et fait de grands signes. C’est Hans & Tobias d’ALKYONE venant nous dire de rester sur la gauche à cause des vagues pour ne pas finir comme l’épave sur le récif depuis 2 semaines. Ils nous informent des courants et que tout est OK pour y entrer.

Stéph continue sa route, maître de la situation. Je continue d’angoisser, le cerveau en toute ébullition. Je sais, ça sert à rien, ça met tout le monde à cran, mais je n’arrive pas à gérer cette angoisse, elle me prend entièrement. J’avais à nouveau préparé la télé pour que Stéphane ait vue sur toutes les cartes d’OpenCPN, où on peut voir parallèlement notre tracé sur la carte et sur Google Earth. Le fait de voir une épave le long de la passe n’aide pas mon angoisse, je tourne tel un lion en cage. Olena entre tout à gauche, trop à mon avis, mais tout va bien, on a encore beaucoup de profondeur. Puis Hans fait signe d’aller un peu plus à droite, ça me calme. Stéphane est maître de la situation, il navigue comme s’il n’y avait pas de courant, comme s’il n’y avait aucune vague, comme si c’était facile. Et moi je stresse à mort, à en avoir des nausées.

Au bout de la passe, il y a un récif droit devant. Nous devons passer par la gauche, mais en faisant un S en passant sur la droite avant de tourner au dernier moment à gauche afin de passer où le fond est le plus profond. Hans nous fait signe de tourner sur le récif. Petite seconde d’hésitation… on suit notre route, on ne veut pas passer où c’est peu profond. On passe près des cases (maisonnettes) sur pilotis et par-dessus les remous. Impressionnant les remous, Stéph sent le courant, augmente la vitesse, nous en tant que passager, on sent quasiment rien. Puis on tourne à gauche toute, juste devant le récif pour continuer la route. On longe le récif, c’est bon, on a passé la passe. Je regarde SERENITY un peu derrière nous, je continue de stresser pour eux, Susi est aussi tendue.

Stéphane ne me comprend pas, l’entrée était facile (qu’il dit), il n’y avait aucune raison de me mettre dans ces états. Il est vraiment un bon skipper. Il manœuvre Olena comme un chef. Moi j’ai toujours stressé dans les manœuvres où il y a peu de place, pourtant jusqu’à ce jour, on n’a jamais eu de problème, d’où l’incompréhension de mes angoisses ou « fatal error » comme l’appelle Jost. Ce jour-là j’ai angoissé comme jamais, à m’en rendre malade. Je n’ai pas pu dormir avant 3-4 heures du matin tant je me sentais mal. Je ne comprends pas pourquoi je me suis mise dans des états pareils.

En discutant avec d’autres plaisancières, je me rends compte ne pas être seule dans cette situation. Beaucoup stressent dans les passes, aucun mari ne comprend.