En route pour Tuamotu

Nous avons décidé de nous rendre en premier à l’atoll de Raroia, où se trouvaient nos amis suisses KISU. Il n’y a qu’une seule passe pour entrer dans l’atoll, mais elle serait large et KISU y sont entrés facilement. Nous avions les heures des marées et savions qu’il fallait y entrer 1h avant jusqu’à 1h après la marée haute ou basse, de préférence avec le courant entrant dans l’atoll. Le difficile de cette traversée cette-fois ne fut pas d’arriver de jour, mais d’arriver à l’heure !

SERENITY sont partis quelques heures avant nous. Au moment de partir, nous ne les voyions même plus sur AIS. A peine hors de la baie, 3 dauphins avec les bouts des museaux blancs nous ont accompagnés un bout. C’est toujours aussi magique !

3 jours de traversée c’est assez court. Ça peut paraitre bizarre, mais 72h en mer, ça passe vite. En jargon, on dit qu’il faut 3-4 jours pour avoir le pied marin, donc on a à peine le temps de se remettre dans le bain qu’on est arrivés. Nous n’avons même pas fait de fête de la montagne, qui aurait été le lendemain soir de notre départ.

Comme à notre habitude, nous communiquions nos positions respectives avec SERENITY. Nous étions également en communications régulière avec KISU.

Les journées furent agréables, mais les nuits, c’était autre chose. La première nuit, nous avions grain sur grain, parfois j’arrivais à en éviter un, mais d’autres nuages noirs menaçaient pas loin. J’ai dû aller réveiller Stéphane au milieu de son quart de sommeil pour ajouter un ris dans la grand-voile (faire la voile plus petite). Pour ce genre de manœuvre, on doit aller au pied du mat et la nuit, nous ne sortons pas du cockpit seul, on se réveille l’un l’autre.
Entre les grains, nous étions trop lents, car sous-toilés avec nos 2 ris dans la grand-voile et 2 ris dans le génois, mais à peine dans les grains, nous étions un peu sur-toilés. A chaque grain je piquais dans le vent pour diminuer la force du vent dans les voiles. A un moment, à 30° du vent, nous naviguions encore à 7 nœuds ! Alors que jusqu’ici, notre catamaran n’avançait plus à 55° ou moins. Il fallait maintenir une certaine vitesse moyenne pour arriver à la passe à l’heure, tout en étant du côté de la sécurité. A la fin de mon quart, je suis allée réveiller Stéphane en lui disant « à ton tour, j’en ai marre ! ». C’est bien la première fois que ça m’arrivait d’en avoir assez.

La 2ème nuit fut normale, plus ou moins calme.

La 3ème nuit fut pire. A peine le soleil couché, le vent a commencé de fraîchir. Au milieu de mon quart de sommeil, les vagues et le bruit du vent ne me plaisaient guère et je suis montée pour qu’on enlève la grand-voile. Ça tombait bien, Stéphane avait prévu me réveiller pour la manœuvre. J’étais en slip et gilet de sauvetage, attachée au mât et Stéphane se marrait de la vue « décoiffante ». Avec ce vent  mes cheveux étaient à l’horizontale et je faisais du rodéo dans les vagues.
Le vent était à 7 Beaufort, parfois un petit 8 avec des rafales jusqu’à 44 nœuds, une mer bien formée. Pourquoi ces conditions arrivent souvent de nuit ?
En étant juste sous foc, nous étions un peu plus lents, ce qui rendait les chocs des vagues un peu moins violents. Par moments, le vent tombait à 25 nœuds, ce qui fait quand même 6 Beaufort, et à ces moments, on avait l’impression qu’on nous avait coupé le vent, comme s’il n’y avait plus de vent. Nous étions heureux de voir SERENITY à 6-8 miles à côté de nous, ça rassure.

J’ai pensé à notre première nuit horrible de transat. Je ne pourrais dire si cette nuit était autant difficile, mais là, nous avons bien plus d’expérience, connaissons mieux le bateau et savions quoi faire, sans aucune crainte. C’est des conditions plus difficiles que d’habitude, on râle, mais c’était OK. Selon Jost, les conditions de cette nuit furent pires que celles de la nuit de départ de Tenerife. Selon le logbook, nous avions un peu plus de vent et la mer était un peu plus formée qu’à Tenerife. Malgré ces infos, c’est difficile à dire, car tout dépend de l’angle du bateau par rapport aux vagues.

Dès le lever de soleil, le vent s’est un peu calmé. Nous sommes arrivés à l’heure à la passe, c’était un peu après marée basse, nous étions à marée montante, il fallait passer. Le seul hic était qu’il y avait grain sur grain et de gros rideaux de pluie nous bouchaient la vue. Nous ne voyions pas toujours la passe. Nous tournions en rond devant et attendions le bon moment, tout en sachant que la marée allait augmenter le courant.