Tahanea

Il y a 3 passes, les unes à côté des autres, mais c’est celle du milieu qui est le plus praticable pour les bateaux. Nous sommes arrivés dans les heures et avons tenté l’entrée. Sur notre route, que nous avions tracée au milieu de la passe selon la ligne de guidage des cartes marines, c’était plein de vagues. Nous avions enregistré le tracé d’un bateau entré peu avant nous qui passait tout contre la gauche, très proche du récif, nous avons fait pareil, afin d’éviter les vagues. C’est tout simplement, avec un peu de contre-courant que nous sommes entrés dans le lagon.

C’est entre 2 passes que nous avons mouillé, plus proche de la passe où nous avions prévu de plonger. Wilderness avait écrit que l’eau de cet atoll était le plus transparent.



 1ère plongée dans la passe

Le lendemain, Jost & Susi de SERENITY, Hans & Tobias d’ALKYONE et Stéphane partaient plonger dans la passe 1h30 avant la marée haute. Etant encore prise par la crève, j’ai fait office de chauffeur dinghy puis j’ai snorklé dans la passe avec nos 3 loulous en attendant. Maria, la bateau-stoppeuse d’ALKYONE nous a accompagnés. Après avoir largué les plongeurs, nous avons cherché un endroit pour se mettre à l’eau et avons eu la visite de 2 raies manta ! Elles sont venues en surface contre nous pour nous regarder.
Je pensais nous laisser dériver par le courant en tirant les annexes, mais Maria étant débutante en snorkel, je me voyais mal traîner 2 annexes, je les ai ancrés et nous avons snorklé aux alentours, regardant les requins pointe noire, une raie manta et des centaines de poissons multicolores se promenant entre les coraux. Ce n’est pas allé long que ce petit monde eut froid. Elina a accompagné Maria avec l’annexe d’ALKYONE et j’ai ramené les petits sur OLENA. Puis j’ai pris les 2 annexes et suis retournée chercher les plongeurs, sortis plus d’un kilomètre à l’intérieur du lagon. Nous utilisons des bouées de palier de forme longue afin de se faire voir, c’est donc facilement que je les ai repérés.
La plongée fut superbe, l’eau d’une transparence jamais vue et avec le courant, ils étaient comme assis dans un train regardant passer le paysage. C’est 5 plongeurs heureux qui sont sortis de l’eau.

 


Traversée du lagon

Nous devions traverser le lagon pour nous protéger des vagues, car le vent était en train de tourner.  Stéphane a dû aller dans l’eau pour voir la situation, car notre chaîne s’était prise dans une patate de corail. Nous avons réussi à la sortir en faisant des manœuvres. Jost a dû capeler sa bouteille de plongée, son ancre s’était crochée sous une patate. Ça fait mal à nos cœurs de plongeurs, car nous savons que ça casse du corail. On fait au plus doux, le mieux serait d’ancrer ailleurs, mais tout le lagon est rempli de patates, tous les mouillages sont plus ou moins pareils.

Cette-fois, j’ai pu préparer une route à l’avance et marquer les patates de corail visibles sur Google Earth ou notées sur les cartes sur notre programme OpenCPN. Stéphane a le charter Ploter au poste de pilotage, qui montre uniquement les cartes Navionics. On a donc branché l’ordinateur avec le programme de navigation OpenCPN sur la télé que Stéphane voyait depuis le poste de pilotage et j’étais sur le toit, car les navigations dans le lagon se fait en naviguant à l’œil. Ainsi nous traversions en toute sécurité.

La visibilité était bonne, on voyait bien les patates de corail à la couleur (verdâtre), tel que décrit dans les livres de navigation. Puis un grain est arrivé avec de la pluie et en réduisant la visibilité. Sur le toit, mes yeux scannaient le bleu du lagon à la recherche d’éventuelles patates. Tout à coup, juste devant nous à une 50aine de mètres, une grosse patate plus large que notre bateau. Nous foncions dessus ! J’ai eu une sacrée montée d’adrénaline. Je n’ai pas eu le temps de sortir ma VHF à l’abri dans ma veste de pluie, j’ai tapé des pieds pour attirer l’attention et ai couru à l’avant du bateau afin que Stéph me voie en faisant signe « à gauche toute !!! ». Stéph a réagi directement, il a freiné puis contourné la patate, nous avions une distance de bien 10m encore !

Après avoir mouillé, nous avons bien vu notre manœuvre sur notre tracking et avons étudié la carte Google Earth à cet endroit-là. On n’y voit aucune patate, pourtant l’endroit n’est pas couvert de nuages et la patate n’est pas nouvelle. Nous l’avons entrée dans notre programme pour les prochaines traversées.

 

Les Robinsons

Nous avons rejoint AKLYONE, partis un peu avant nous près d’une île. A peine mouillés, voyant tous ces palmiers, j’ai voulu aller à la chasse aux noix de coco, Susanne est venue avec.

C’est muni de nos outils, une hache pour Susanne (ce que j’utilisais aussi jusque dernièrement) et un gros tournevis plat pour moi, que nous avons débarqué sur l’île. Nous avions à peine fait quelques pas à l’intérieur de l’île que nous revenions déjà avec une 30aine de noix de coco brunes, pleines d’eau. Parfait ! Nous nous sommes installées et avons commencé à arracher les fibres pour mettre les noix à nu (telles qu’on les trouve dans le magasin). Nous sommes retournées quelques heures plus tard aux bateaux avec chacune une 10aine de noix à nu et tout autant encore à faire. C’est du boulot d’arracher toutes ces fibres !

Le lendemain, Stéphane voyant le bordel de fibre laissés sur la plage a eu l’idée d’en faire un feu. On a informé les copains et chacun a organisé viande, salades et pâte à pain afin de faire un BBQ. Ce fut une après-midi bien sympa sur la plage, 7 adultes, 7 enfants et un bébé. Non loin de notre feu de camp, il y avait une case, certainement commencée par un pêcheur. Les enfants ont commencé à couvrir le toit avec des feuilles de palmier.

Le lendemain, les enfants ont eu envie de jouer à Robinson Crusoé. Nous les avons déposés sur l’île avec VHF, boissons et nourriture. Les enfants l’ALKYONE ont suivi et ils ont terminé la case à leur manière. Un moment il s’est mis à pleuvoir, nous pensions qu’ils allaient nous appeler pour aller les chercher, mais non. Ils étaient tous à l’abri dans la case à manger de la noix de coco que Tobias et Elina ont ouvertes, sans outils ! Timeo et Ana, les 2 plus jeunes étaient fiers de nous dire qu’ils ont pu boire l’eau des noix. Ils sauraient survivre un moment sur une île déserte ces enfants !



 Retour vers les passes

Nous sommes retournés vers les passes. La traversée du lagon s’est fait en suivant notre tracking. Malgré cela, j’étais à mon poste sur le toit du bateau à regarder pour les patates, tout comme Susi sur SERENITY. Mieux vaut être vigilants.

Arrivés au mouillage nous avons la surprise de trouver SAGO, une famille avec laquelle nous communiquions par mail, mais que nous n’avions encore jamais croisée. Nous étions au même mouillage aux Galapagos mais je ne savais pas le nom du bateau à l’époque. Elle est allemande, lui australien et ils ont 2 enfants. Ils avaient la même route que nous, mais n’ont pas pu partir le jour prévu (le même que nous) à cause d’avaries. Partis plus tard, ils ont pu suivre la route planifiée, mais les vagues et le vent les ont empêchés d’aller à terre sur l’île de Pitcairn. Tous en partance pour Pitcairn savent que les chances d’accoster l’île n’est pas garantie et que le risque de devoir naviguer 3 jours de plus pour se rendre aux Gambiers est grand.
Ce fut un plaisir de faire leur connaissance, Timeo est allé avec eux à la plage, ils sont venus ensuite sur notre bateau. Avec les enfants d’ALKYONE, il y avait 9 enfants à bord, c’était un peu bruyant !

 

2ème plongée dans la passe

Nous avions organisé une 2ème plongée dans la passe. Susi & Jost, Jutta, Hans & Tobias, Stéphane & moi en plongée. Aux dingys, Silke de SAGO.

Il manquait du matériel à Hans, ce qui nous a un peu retardés, Jost & Susi étaient prêts et sont partis seuls, décidant de traîner leur annexe au bout d’une longue corde. Ça fait longtemps que nous parlions vouloir essayer cette technique, mais je ne voulais pas commencer dans du courant, lui ça ne le dérangeait pas.

Tout comme 4 jours auparavant, nous sommes sautés à l’eau 1h30 avant la marée haute, à l’avant de l’annexe de SERENITY. La passe était calme, pas de vague. Stéph et moi sommes descendus, nous voyions bien Susi & Jost un peu à l’arrière. Depuis 36m de profondeur je regarde en haut et je vois les 3 plongeurs d’ALKYONE autour des 2 annexes, comme à travers une vitre. L’eau était d’une transparence comme jamais vu.

Nous arrivons assez vite vers le tombant et le remontons pour entrer dans la passe, tout en admirant les requins et autres gros poissons. Au bout de 10 minutes de plongée, nous arrivons à l’entrée de la passe et je sens un léger courant en contre-sens, ce qui commence à mettre mon cerveau en ébullition. Nous continuons la plongée, admirons la grosse raie manta non loin de nous, elle devait bien faire 4-5m d’envergure. Puis je vois notre annexe traînant celle d’ALKYONE se rendre à notre gauche, alors que selon notre boussole, nous étions sensés aller tout droit. Le cerveau de plus en plus en ébullition, je commence à douter de l’endroit où nous sommes et de la direction à prendre. Je monte voir en surface, tout est OK, il faut continuer selon la boussole, mais nous sommes toujours à l’entrée de la passe, ce qui ne calme pas mon cerveau.

Le courant devient de plus en plus fort, je ne vois plus les autres plongeurs. Mon cerveau tourne à toute allure, ce qui coupe certains points comme le fait que SERENITY étaient juste derrière nous avec leur dinghy. J’ai plus qu’une idée en tête, j’imagine Stéph & moi dériver à l’extérieur de l’atoll avec Jutta, Hans & Tobias alors que notre chauffeuse de dinghy nous cherche à l’intérieur.

A un moment, après avoir essayé d’entrer au plus dans la passe contre le courant, il fallait abréger la plongée, le courant devenant trop fort. J’ai eu l’idée d’ancrer la bouée de palier (un ballon en forme de tube qui monte en surface qu’on lâche depuis sous l’eau pour se faire voir de la surface) pour s’y tenir et ne pas dériver loin de l’atoll. Nous étions à 11m de profondeur, ma corde fait 6-7m de long. Celle de Stéph est plus longue, il l’a envoyée puis ancré le fil autour d’un corail. On se retourne et voyons la bouée à mi-eau, vers 5m de profondeur à l’horizontale. Le courant était trop fort, l’idée était bonne mais pas faisable. On ne pouvait pas la ramener à nous pour y ajouter de l’air. Et comme le courant était fort, on aurait de toute manière pas pu s’y retenir. On a décroché la corde et sommes montés. La plongée a duré 31 minutes, nous sommes sortis dans les vagues typiques des changements de courant. A peine dehors je vois l’annexe de SERENITY et les 2 en train de monter à l’intérieur. Mon cerveau a continué dans sa lancée, tout en sachant que nous étions saufs ! A toute vitesse, je gonfle mon ballon de survie (orange fluo de 2m de hauteur) pour le cas où ils ne nous voient pas dans ces grosses vagues. Je ne les quittais pas des yeux et n’ai même pas remarqué que notre propre annexe était juste derrière moi !

Silke a remarqué à l’annexe de SERENITY que le courant ne correspondait pas aux tables. Elle est restée proche de nous tout en se mettant à l’abri des vagues, ce pourquoi je l’avais vue partir sur notre gauche.

Je suis montée dans notre dinghy où se trouvait déjà Jutta. Stéph est allé dans celui d’ALKYONE pour récupérer Hans & Tobias alors que je me dépêchais de nous sortir des vagues, qui nous remplissaient l’annexe. Nous étions une vraie baignoire. A un moment, je suis partie en surf sur une vague pour planter dans celle de devant. C’est plusieurs 10aines de litres d’eau qui sont arrivés sur nous. 50m plus loin, il n’y avait plus de vagues.

Je me suis fait une bonne frayeur, le pire c’est quand le cerveau se met en ébullition s’imaginant les pires des scénarios. Selon Jost, mon cerveau était en « fatal error », ce qui n’est pas faux !
Stéphane n’a eu aucune frayeur, lui n’avais pas omis le fait que SERENITY étaient juste derrière nous avec leur annexe. Nous étions à l’avant de tous les autres plongeurs ! Comme quoi, beaucoup se passe dans la tête, et depuis que je suis maman, c’est pire !
Par contre, que ce serait-il passé si Jost n’avait pas été plonger en tirant son annexe ? J’aime mieux ne pas y penser, car avant de sauter j’avais encore bien dit à Silke que la fois d’avant je les avais récupéré bien loin à l’intérieur de l’atoll.

 

Infos sur les courants des passes

Nathalie de NATHAPE (ils ont fait le tour du monde en 15 ans, le lien de leur blog est dans notre page Links) nous avait dit que toute info utile sur les endroits où nous naviguons nous arrivera à nous toute seule. Jusqu’à présent, ça a toujours été le cas et c’est assez impressionnant. On ne demande rien, ça vient tout seul. Tout comme c’est naturel pour nous, quand on croise un navigateur qui vient d’arriver, de lui transmettre toutes les infos utiles.
Cette-fois, l’info est arrivée 3 heures trop tard, mais mieux vaut tard que jamais.

A peine de retour de plongée, voilà qu’un nouveau voisin vient ancrer près de nous. Puis la dame vient en dinghy se présenter et discuter. Ce sont des autrichiens, ils sont en Polynésie depuis 6 ans ! Elle demande si on a plongé dans la passe, on lui raconte la catastrophe. Là elle nous explique ce que nous avons commencé à se douter.

On ne peut pas se fier aux tables des marées dès qu’il y a de la houle du sud. La houle remplit les lagons d’eau sans cesse et les passes, souvent du côté opposé, vident le lagon. De ce fait, il y a très peu de temps de marée entrante et beaucoup de temps de marée sortante. Nous avions de la houle du sud pour notre 2ème plongée, ce qui n’était pas le cas lors de la 1ère plongée.

Ça change aussi notre vision pour le passage des passes en bateau. Nos 3 passages et les quelques fois où nous avons passé devant les passes lors de traversées de lagon, il nous avait semblé que les horaires n’étaient pas corrects. On avait mis ça sur le compte du décalage, dont nous n’avions pas trouvé les infos. Mais pour Tahanea, les tables sont pour l’atoll même.

Pour les passages, selon elle, il faut aller devant la passe et voir les vagues. Si les vagues sont OK, le passage devrait être faisable. Ça change des écrits dans les livres, pour la plupart vieux, et ça correspond à ce qu’on a commencé à penser et à voir.

La marée aux Tuamotus n’est pas si grande, 40cm c’est même rien. Par contre les courants ne correspondent pas aux marées, jusqu’à 8 nœuds dans une passe, c’est plus que ce que j’avais vu en Bretagne, par marées de 10-11m !