Départ pour l’Australie

Nos visas australiens étant bientôt échus, nous décidons de partir avec une fenêtre météo moyenne. Etant une année « La Niña », il n’y a pas d’alizées stables et beaucoup de dépressions passent. Pendant notre séjour aux Vanuatu, nous avons pas mal surveillé la météo, chaque semaine une dépression passait sur notre futur chemin.

Nous avons 1200 miles nautiques (2’222km) à faire dont les 120 dernier à traverser la grande barrière de corail et se rendre à la côte. Nous comptons 8-10 jours de traversée. Nos visas étant encore valables 17 jours, ça nous laisse du jeu. Ainsi on pourra se mettre en fuite pour prendre la dépression prévue de l’arrière et revenir sur nos pas une fois qu’elle est passée.

 

Départ

Nous partons dans l’après-midi, nous avons 3 nœuds de courant dans le canal avec nous, c’est parfait. A la sortie du canal, nous avons un peu de mascaret dû au courant contre le vent, mais rien de bien grave, nous réduisons la vitesse et traversons les vagues là où elles sont le moins grandes.

Nous avons un bon petit vent qui nous pousse, qui fraîchit à mesure que nous nous écartons des îles. Nous prenons des ris (rétrécir les voiles) car les vagues deviennent de plus en plus hautes. Selon les prévisions nous devrions avoir des vagues de 2.5m, en vérité elles font bien 4m et de temps à autre nous avons des vagues arrivant du sud qui font jusqu’à 6m. Nous avons une mer croisée, ce n’est pas ce qu’on préfère.

Pendant plus de 50 heures nous naviguons sous trinquette seule (notre plus petite voile de 24m2) afin de réduire notre vitesse, car c’est un vrai rodéo. Il est impossible de se déplacer dans le bateau sans se tenir. Parfois des placards, qui ont probablement mal été fermés, s’ouvrent et leur contenu se repend à travers le bateau. Je passe mon temps à ranger ce que les vagues sèment et à mettre les choses à l’abri.

Les nuits sont longues, il est difficile de lire ou de faire quelque chose sans que ça tombe sur l’estomac. Donc on ne fait rien, on surveille et le temps n’avance pas. Il fait nuit noire, on ne voit même pas l’horizon.

Les 2 seuls cargos que nous avons croisés c’était en l’espace de 2 heures. Nous avions un cours de collision avec l’un d’eux. Nous avions la priorité mais les cargos ne manœuvrant pas si facilement, je l’ai appelé par VHF pour savoir s’il voulait passer devant ou derrière nous. J’ai pu voir sur leur tracé qu’ils ont dévié leur route après mon appel pour bien passer derrière nous.

 

Vague d’enfer

Au 3ème jour, Stéphane voit une grosse vague casser sur notre jupe arrière bâbord. J’étais en train de me rendre dans la coque bâbord qu’il hurle « attention vague ». J’ai juste eu le temps de mieux me tenir, ou plutôt de me cramponner et de voir plein de choses se faire éjecter à travers le bateau. C’était assez impressionnant, ce sont des images que je n’oublierai jamais : le bruit, le saut du bateau, les livres et les choses éjectés.

Ayant aussi eu beaucoup de bruit à la cuisine, je vais voir et reste stupéfaite. Notre micro-ondes, dont les 4 pieds sont posés dans des trous et qui n’a jamais bougé en 25'000 miles nautiques, a fait un salto avant et a atterri sur la tête ! Notre machine à pain était couchée sur le côté et par miracle, mes paniers avec des verres qui se trouvaient entre-deux n’ont pas bougé. Heureusement, car ils auraient été de jolis projectiles contre nos enfants installés à la table juste en face.

 

Dépression & réparations

La dépression était annoncée avec des vents sud de 25 nœuds pendant 24h pour la région où nous serions. Entre les prévisions et la réalité il y a toujours de la marge, on peut facilement ajouter 5-10 nœuds de vent. Si les vents seraient trop forts, nous prévoyions de nous mettre en fuite, c’est-à-dire faire route au nord pour avoir le vent de l’arrière puis revenir sur nos pas une fois la dépression passée.

Mais après ces vagues qui ont donné pas mal de sales coups de côté, nos safrans faisaient des bruits bizarres. Ce n’est pas idéal de d’être dans une dépression dans ces conditions, il nous faut contrôler l’état des safrans.

Une corde de notre lazy jack a cassé (corde qui maintient la grand-voile sur la bôme quand on l’affale), il nous faut monter au mât pour la changer.

Nous n’avons pas à nous mettre d’accord, nous sommes tous deux d’avis qu’on doit faire un arrêt d’urgence à Chesterfield.

 

Les autorités

Stéphane a pris contact avec le météorologue qui nous avait routé lors de notre traversée de Tahiti à Fiji. Il confirme la dépression et nous conforte dans notre décision. C’est lui qui nous transmet l’adresse mail du MRCC (Maritime Rescue Coordination Center) à Nouméa à qui nous faisons part de nos problèmes et de notre besoin de faire un arrêt d’urgence. Nous leur demandons de bien vouloir transmettre notre demande aux autorités concernées, car Chesterfield est un parc naturel protégé appartenant à la Nouvelle Calédonie. Toute demande de visite doit être faite 3 mois à l’avance et nous connaissons un bateau qui a été refusé deux fois.

Quelques heures plus tard le MRCC nous envoie l’accord d’arrêt d’urgence. Nous n’avons pas l’autorisation d’aller à terre et nous devons nous tenir à l’écart de la réserve intégrale dont ils nous transmettent les coordonnées.

Le soir avant notre départ, j’avais encore vite téléchargé les cartes satellites des récifs le long de notre route au cas où. Quelle bonne intuition j’ai eu!

L’unique mouillage des Chesterfield inscrit dans carte maritime Navionics se trouve à l’est d’un îlot. Pensant que c’est le mouillage officiel et ne voulant pas abuser de la situation, nous avions prévu de mouiller là-bas. Mais l’endroit ne nous emballait pas trop, sur la carte satellite on voyait que le mouillage était parsemé de patates de corail.