Lors de notre 1ère soirée à la marina, alors que Stéphane était occupé aux réparations et moi en train de faire le souper, voilà Timeo qui arrive en criant. Cyliane lui tenait la mâchoire, les mains ensanglantées. Ils jouaient à chat perché et Timeo s’est pris le dossier d’un banc dans la bouche en voulant sauter sur un banc.
Sachant que la tête saigne beaucoup, on ne s’est pas
affolés, on a commencé à nettoyer un peu, sorti les torches (il était 19h, ici
il fait nuit noire à cette heure) et regardé les dégâts. Quand on a vu l’état
de la langue, coupée telle celle d’un serpent mais en 3, il était clair qu’il
nous fallait aller à l’hôpital.
Doris, une plaisancière franco-suisse, dont le fils jouait
avec Timeo au moment de l’accident, s’est proposé de nous y amener. J’ai été
chercher quelques affaires de rechange, pour si jamais on y passait la nuit,
puis pris quelques livres et une tablette. Quelle bonne idée, car tout a
servi ! Par contre la prochaine fois, les carnets de vaccinations ne
seraient pas un luxe. Depuis, j’ai les scanns dans le téléphone. Dommage que je
ne savais pas qu’il fallait amener ses propres couvertures et linges de bain.
Doris me propose 2 hôpitaux, je prends le plus proche je
sais où il est. On est pris rapidement aux urgences, mais c’est une clinique,
et tant que notre assurance ne leur envoie pas une attestation de prise en
charge, ça risque de poser problème. La langue d’un enfant se recoud sous
anesthésie générale, il faut passer au bloc. Le bloc devait être fermé la nuit
et le lendemain matin était complet. Ils ne pouvaient rien faire pendant les
17heures qui suivaient. Nous sommes repartis avec un rendez-vous dans
l’après-midi.
En repartant, Doris, infirmière de formation, un peu
contrariée de laisser Timeo comme ça toute la nuit a appelé son mari, également
infirmier. On a jamais vu Timeo avoir aussi mal, malgré le paracétamol. De
plus, même s’il ne saignait plus, il crachait régulièrement du sang. Régis
confirme, demi-tour on va à l’hôpital de Pirae, l’unique hôpital de Polynésie
française similaire à ce qu’on connaît en Europe.
Les urgences nous ont pris de suite, on passe à côté de lits
occupés (j’en ai compté 6) dans les couloirs pour nous rendre dans une chambre
d’examen. Je sais que c’est courant en France, mais ça fait drôle, car en
Suisse, je n’ai jamais vu des gens dormant, à moitié nus, sans drap, dans les
couloirs des hôpitaux, même aux urgences.
Les infirmières passent et sont très gentilles. De suite
Timeo reçoit un gaz à respirer qui le détend et il a l’air d’avoir moins mal.
L’une va essayer de contacter l’ORL et revient en rigolant. L’ORL était au bloc
en train de suturer la langue d’un petit garçon ! Quelle coïncidence, deux
mêmes accidents la même nuit ! Une bonne nouvelle pour Timeo, car il
allait pouvoir passer au bloc la nuit même. L’infirmière le prépare et essaye
de lui poser une perfusion. La première échoue, la veine roule. La deuxième a
l’air d’aller après maintes peines. Timeo se laisse faire comme un grand. Mais
au bloc, impossible d’utiliser la perfusion. Ils l’endormiront avec un gaz le
temps de lui en poser une 3ème dans l’autre bras.
Nous partons au bloc, Timeo dans une chaise roulante. Ils
nous emmènent en salle de réveil, dans laquelle j’attends avec lui le temps
qu’il entre au bloc. Ils nous posent au pied d’une jeune accouchée, torse nu en
train d’allaiter. Ça m’a mis un peu mal à l’aise pour elle, ils auraient pu
nous mettre de l’autre côté. Bizarre tout ça. Le petit garçon vient de sortir
du bloc, il dort paisiblement, sa maman le rejoint peu après.
C’est l’heure d’aller au bloc, je quitte la salle et me
rends aux distributeurs espérant trouver de quoi remplir mon ventre. Celui de
compotes ne fonctionnant pas, je me suis remplie de chocolat chaud avant de
retourner attendre devant la salle de réveil. Ce n’est pas allé long qu’on est
venu me chercher, l’intervention de Timeo a été repoussée car il y a eu une
urgence. En attendant, Timeo conduisait une petite voiture électrique dans la
salle de réveil avec l’aide de l’infirmier anesthésiste. Il s’est bien
amusé ! On était en salle de réveil de l’hôpital, mais on se serait cru en
pédiatrie, le personnel était super avec lui. A minuit c’était son tour de
passer au bloc, et moi de retourner prendre un chocolat chaud puis d’attendre
devant la salle.
L’ORL est passé me voir à 1h pour me dire ce qu’il avait
fait. Timeo ne s’est pas loupé, une 15aine de points sur la langue, 5 à
l’intérieur de la bouche et 5 sous la lèvre. Peu après, j’ai pu le rejoindre en
salle de réveil et c’est vers 2h30 qu’on a pu rejoindre sa chambre.
L’infirmière me montre le 2ème lit et me dit que
c’est le mien, par contre il n’y a qu’un drap, c’est à nous d’emmener ce qu’il
faut, eux ils s’occupent des enfants. Je plie le drap et me met entre-deux. A
son retour elle me regarde surprise « vous n’avez pas pris de
couverture ? » Puis elle m’amène un autre drap, merci à elle. Vers
3h30, on a enfin pu éteindre les lumières de la chambre, les perfusions étaient
posées, tout était OK. Sauf que les perfusions ont sonné 4x pour le changement
de produit et qu’à 5h45 on amenait déjà le petit déjeuner de Timeo. La nuit fut
très courte.
Vers 8h, j’étais convoquée au bureau à cause des papiers
d’assurance. J’avais contacté Stéphane avec les derniers pourcentages de
batteries sur mon téléphone pour qu’il organise le tout. Un jeune homme était
en charge des étrangers pas assurés en France. J’avais inscrit le numéro local
de Stéphane sur mon bras et le lui ai donné l’informant de voir avec lui car la
plupart des choses qu’il avait besoin étaient dans mon portable sans courant
(et avec une prise USB-C qui est assez rare). Le jeune homme est venu par la suite
à la chambre me disant qu’on allait appeler Stéphane qui avait demandé des
nouvelles. Quelle gentillesse de sa part !
Là j’ai réalisé à quel point je me suis rendue dépendante de mon téléphone
portable !
Après un saut à la cantine pour m’organiser à manger, je
retrouve un jeune interne auprès de Timeo. Il lui raconte qu’il a eu un
accident similaire et sa langue se porte très bien. Timeo était ravi !
On retrouve Manahiva, l’autre garçon avec la langue
recousue, et sa maman devant la chambre pour nous rendre à la visite chez
l’ORL. Tout va bien, on peut sortir ! Mais l’interne veut nous garder
encore un peu pour des bilans sanguins. Manahiva vient dire adieu alors que l’infirmière
essaye avec peine de faire une prise de sang. Il a fallu piquer 3x pour avoir
les éprouvettes nécessaires. Manahiva, bientôt 5 ans, tenait la main de Timeo.
Ils étaient mignons tous les deux, ils se sont vite liés d’amitié.
Nous avons pu dormir le temps d’avoir les résultats sanguins, après quoi nous avons enfin pu quitter l’hôpital, 20 heures après notre admission. Nous sommes rentrés en bus, et avons profité du changement de bus à Papeete pour passer à la pharmacie chercher ce que nous avions besoin.