Tous les jours, nous téléchargions les fichiers météo de diverses sources et cherchions une fenêtre pour rejoindre les Tuamotu (je viens d’apprendre qu’en tahitien, les mots au pluriel n’ont pas de S, donc correctement les Tuamotu s’écrit sans S final).
Moment sympa entre
plaisanciers à Moorea
Une toute petite
partie des boîtes postales de Papeete
les bons moments avec les copains
et un bon avocat dans l’arbre
Un jour je vois une fenêtre de 3 jours pour nous rendre à
l’est. L’atoll d’arrivée sera à voir sur place, car les vents ne sont pas
stables. Après avoir regardé le tout avec Stéphane, nous décidons de partir ce
lundi et de voir sur quel atoll le vent nous amènera. Moins de 10 minutes après
notre décision, voilà que BELUGA, nos copains allemands avec le fils de l’âge
de Cyliane, nous appellent : ils partent lundi direction est ! On a
passé la soirée avant le départ ensemble à étudier la météo et s’organiser.
Le matin du départ, les prévisions avaient déjà changé un peu, les vents favorables ont diminué à 2.5 jours. Alors que nous allions passer en bout de la piste de l’aéroport, personne ne répond à la tour de contrôle. On tourne en rond en attendant, notre mât est trop haut pour passer sans permission. Quand enfin quelqu’un répond, on nous demande d’attendre l’atterrissage d’un avion avant de traverser.
Avant de sortir du lagon, nous
rejoignons BELUGA au port de Papeete pour récupérer le boîtier étanche de notre
GoPro que Carola venait d’organiser. Puis nous sortons enfin de la passe et
prenons la direction nord avec très peu de voiles, afin de laisser le temps à
BELUGA de nous rattraper. Ce fut peut être notre erreur de n’avoir pas suivi
les 3 bateaux sortis après nous, partis nord-est au moteur.
Les BELUGA nous ont rejoints et nous avons viré de bord. Les
vents n’étant pas tout à fait comme prévu, on s’est fait pousser contre Tahiti.
Nous avons dû nous maintenir à distance du récif de l’île à l’aide du moteur,
ensuite nous étions tranquillement sous voile. Le vent était faible, la mer
assez calme. Nous n’avons fait que 90 miles les 24 premières heures, on a
jamais été aussi lents !
On a fait route très lentement contre Fakarava, nous visons
l’atoll de Makemo. Puis le vent change et nous pousse plus au sud, l’autre
option serait Hao, mais ça fait un bien grand détour, on verra bien. On croise
des petites baleines, peut-être des baleines pilotes.
Le 2ème jour nous avons fait à peine un peu plus
de distance, c’est assez désolant, surtout avec les détours que les vents nous
font faire.
BELUGA est un bateau d’une toute autre construction. Mais
avec ces vents et cette mer, nous naviguons pareil. On est à une distance de
3-6 km l’un de l’autre, on se voit et pouvons communiquer facilement par VHF.
Au 3ème jour on s’est retrouvés pendant 6 heures
dans des vagues pas très grandes mais très courtes. Une vraie machine à laver,
ça tapait partout, ça secouait tout. A ce moment, je me suis mise à maudire les
employés en France qui ont oublié de mettre nos batteries dans le cargo qui
arrivait mi-septembre. C’est à cause d’eux que nous sommes trop tard dans la
saison pour remonter avec les vents aux Marquises. Depuis novembre, c’est aux
Gambiers que les vents nous pousseraient, mais ce n’est pas un endroit sûr en
période cyclonique.
L’atoll d’Anaa se trouve sur notre chemin, nous choisissons
de la passer au nord en nous poussant contre le vent à l’aide d’un moteur. On
distingue les lumières du village et nous captons internet par nos portables,
ce qui nous permet d’envoyer des nouvelles. Le vent est vraiment très faible,
nous profitons des quelques grains pour prendre un peu de vitesse, mais avec si
peu de vent, l’arrière des grains c’est généralement la pétole. Plus de vent
pendant 30-60 minutes ! Grâce à l’état de la mer si calme, nous arrivons à
faire du près serré à 35° du vent, alors que généralement, à 55° c’est le plus
près qu’on peut naviguer. (Près serré =
naviguer tout près du vent apparent, càd le vent qu’on sent sur le bateau qui
vient plus de l’avant que le vent réel à cause de notre vitesse d’avancée).
Avec le changement de direction de vent, nous faisons route
sud-est. Nous attendons que le vent tourne pour monter au nord et espérons
toujours atterrir à Makemo.
Les nuits sont assez calmes et très noires. C’est la
nouvelle lune, puis elle commence à se montrer, mais elle se couche 2h après le
soleil. C’est marrant, ici au lever, la lune est en forme de pont, comme une
coupe qui vide son contenu. Au coucher, elle est en forme de u, tel un sourire.
Malgré le manque de lune, les étoiles sont nombreuses et brillantes. Nous
distinguons bien les nuages des grains qui nous arrivent dessus.
Nous avons essayé de pêcher, à nouveau en vain. Ça a bien
mordu quelques fois, mais aucun poisson est arrivé jusqu’à nous. Il y en a même
un qui a cassé le fil nylon, il devait être gros. En attendant il nous a pris
un de nos leurres préférés et le bout de câble métallique. La pêche est un
hobby assez couteux, l’achat du poisson au marché est bien plus rentable, en
plus on a le choix du poisson.
Tout le monde se porte bien, la mer est agréable, les
copains toujours en vue. Les enfants font un peu d’école et jouent beaucoup en
attendant la tombée de la nuit où ils regardent des films.
Le vent a tourné comme prévu. BELUGA qui remonte mieux au
vent que nous a viré de bord 1 heure avant nous. Ils sont devant nous mais on
est plus vite qu’eux et on les rattrape assez rapidement. Je trouve qu’on s’en
approche un peu trop, de nuit mieux vaut avoir une certaine distance. Stéphane
ayant assez mal dormi la nuit d’avant, je décide de mettre un 2ème
ris sans le réveiller et mets Elina en poste derrière la barre. A part m’avoir à
l’œil et donner l’alarme en cas de problème, elle n’a rien à faire. Ce fut une
bonne chose, nous étions à peine un peu plus lents que BELUGA et ça a laissé
Stéphane dormir au moins 2h de suite. Car une heure plus tard, j’ai dû le
réveiller, nous avions une odeur d’essence qui se diffusait dans la coque
bâbord. Les jerricanes dans la cale moteur se sont faites un peu bousculer par
les vagues et celle d’essence est tombée sur son bouchon, d’où il en est sorti
un peu. Stéphane a passé un bon moment à nettoyer. A cause de l’odeur j’ai
envoyé Elina dormir dans mon lit, Cyliane dormant déjà dans le lit de Timeo,
ainsi tout le monde dormait dans la coque tribord.
Quelques heures avant notre arrivée, nous avons le même
accueil que lors de notre première arrivée aux Tuamotu. Des gros grains avec
une pluie torrentielle. L’un est arrivé alors que nous étions entre 2 atolls,
32 nœuds de vent m’arrivant dessus. Je pique dans le vent le temps d’enrouler
un peu ma voile avant, que je venais de dérouler complètement, voulant prendre
un peu de vitesse pour arriver à la passe à l’heure. Puis je prends la barre
pour remettre un peu de vent dans les voiles et je perds toute notion de
direction. C’est la nuit noire, à par les instruments, aucun point de repère.
Notre girouette me montre fixement 60° au vent malgré que je continuais de
tourner ! Quelque chose cloche. Stéphane, réveillé par le vacarme de la
pluie, vient me prêter main forte. Ensuite 20 minutes de pétole avant le
passage d’un nouveau grain de 25 nœuds. Bienvenue aux Tuamotu !
On se retrouve à 3 bateaux devant la passe ouest de Makemo,
nous étions les derniers. Nous avons vu le français peiner contre le courant
entre les récifs à l’avant de la passe, BELUGA a coupé avant ces récifs et ils se
sont bien mieux débrouillés. Nous les avons suivis.
Nous avons posé l’ancre près de la passe. Enfin nous étions
arrivés, il nous a fallu 90.75 heures pour faire 433 miles (802km), dont près
d’une centaine de détour. Près de 4 jours pour rallier 2 endroits qu’on fait
généralement en 2 jours. Avec une moyenne de 4.77 nœuds, c’est notre traversée
la plus lente. Mais nous voilà mouillés
dans une piscine bleue-turquoise avec vue sur des îlots de sable blanc remplis
de palmiers. Une vraie carte postale !