Carénage


Il est temps de caréner, carénage que nous avons organisé depuis plusieurs mois. La mise hors de l’eau se passe très bien, ils nous posent sur l’une des grandes places du côté des superyachts du chantier.

Nous avions pensé être du côté des bateaux « normaux », mais celui qui fait aller la grue là-bas a décrété qu’il ne pouvait pas sortir notre bateau. C’est pourquoi nous avons été sortis dans la partie (plus chère) au nord du chantier chez les Superyachts. Quelques jours plus tard le bateau sœur d’Olena a également été sorti du côté des Superyachts ainsi que d’autres catamarans de notre taille.

On a une grande place à nous seuls, les sanitaires sont bien, mais la cuisine pour ceux qui vivent à bord est de l’autre côté du chantier, ainsi que le coin BBQ. Mais le pire c’est le chantier naval voisin qui fait aller ses ventilateurs à quelques mètres de nous. C’est très bruyant on peine à se comprendre quand on se parle et ça fonctionne du matin tôt jusqu’à 16h, parfois même quelques heures le week-end. Dès qu’ils arrêtent leurs ventilateurs le soir on entend un « hourra ! » de la part de tous les bateaux (de taille comme le nôtre) placés dans ce chantier et nos oreilles sifflent encore pendant quelques temps.

 

Le paradis pour caréner ?

Nous sommes à la Gold Coast à Coomera, dans le chantier de Boatworks. Une centaine de mètres plus au nord il y a un autre chantier naval tout aussi gros, la GCCM (Gold Coast City Marina). Les deux chantiers ainsi que les alentours sont bourrés de sous-traitants et entreprises nautiques. On a l’embarras du choix et on y trouve de tout, c’est le paradis !

La réalité est hélas le contraire. Comme nous avons souvent entendu les australiens dire « nous sommes fainéants » c’est le meilleur endroit où l’on peut constater que ce ne sont pas des paroles en l’air.

On nous avait prévenu de prendre un project manager afin de s’assurer la prise en charge pour nos travaux. Nous avons fait cela 4 mois avant le carénage, il avait toute la liste des travaux, tout était OK. Une fois hors de l’eau ça n’a rien changé ou pas grand-chose.

Les sous-traitants n’ont pas commandé les pièces, les employés étaient aux abonnés absents et quand certains venaient, ce n’était pas pour longtemps et certains pour ne jamais revenir.

Au lieu des 7-10 jours planifiés, nous sommes restés hors de l’eau 17 jours ! Chaque jour taxant bien plus cher qu’une place au port.

 

Les hélices

Les hélices ont commencé à avoir du jeu, nous devons changer les caoutchouc anti-chocs. C’était sur la liste du project manager qui a pris contact avec l’entreprise qui fait ça. A peine hors de l’eau, Stéphane démonte les hélices et les amène, car c’est ça qui va prendre le plus de temps. Surprise, il n’a qu’un jeu de caoutchouc, il faut commander le second (probablement en Angleterre). Une fois les pièces arrivées, il nous dit qu’il doit commander encore d’autres pièces, les roulements. Un peu plus tard il revient qu’il faut encore changer la douille principale. Au final les hélices nous ont coûté près du double de l’offre d’origine. Nous avons l’impression d’avoir été arnaqués, mais il ne nous est pas possible de le prouver et nous ne pouvons pas aller à l’eau sans nos hélices.

 

Les auto-collants

Nos logos changés à Fiji sont déjà au bout. Le soleil a mangé les couleurs et ça fait un moment qu’on les colorie avec des feutres indélébiles.

Je vais dans une entreprise demander une offre. Comparé à Fiji ce n’est pas donné. Il m’avertit qu’ils n’ont pas le temps de faire le travail avant 1 semaine, même l’impression des autocollants (si je fais le reste du travail moi-même).

Je demande une offre à une seconde entreprise, ils me prennent vraiment pour un bancomat sur pattes ! Ils me demandent près de 3x plus que le premier plus une surcharge pour un format de document que je n’ai pas.

J’ai enlevé les anciens auto-collants moi-même et les filles m’ont aidé à coller les nouveaux que nous avons commandé à la première entreprise.


Les passes-coques

La raison majeure pour ce carénage est le changement de tous les passes-coques.

Un passe-coque c’est un trou à travers la coque pour les entrées et sorties d’eau de mer.  Des vannes et conduites sont installées sur ces trous. A l’époque on utilisait les vannes en bronze. Aujourd’hui, tout doit être moins cher et nous trouvons des mêmes vannes en laiton de très basse qualité qui sont vendues pour l’utilisation dans les maisons. Le chantier naval qui nous a vendu Olena avait changé tous les passes-coques, les remplaçant par des bon marché en laiton.

Avec l’eau salée ça a fait beaucoup de corrosion et le zinc, une partie de l’alliage du laiton, s’est dissout ce qui a rendu le métal poreux. Lors de notre traversée Vanuatu-Australie l’un de nos passes-coques s’était brisé ! Ce pourquoi nous devons absolument changer tous les passes-coques car les autres vont certainement avoir le même sort.

Heureusement pour nous, nous avons décidé de faire ce travail nous-même. Stéphane a meulé la partie extérieure des vannes afin de pouvoir les enlever. Ensuite nous avons remplacé les 11 passes-coques par des nouvelles vannes faites en plastique renforcé par de la fibre de verre, certifiés bureau Véritas. Des amis en ont déjà depuis plusieurs années et en sont satisfaits.

Le travail a été bien fait, dans les règles de l’art et dans les temps comptés. On ne peut jamais mieux compter que par soi-même, surtout en Australie.

 

L’anti fouling


C’est toujours le travail le plus ingrat du carénage, surtout le ponçage de l’ancien anti-fouling car on change de marque de produit. Nous allons remettre du Jotun que nous n’avions malheureusement pas trouvé à Fiji lors du dernier carénage.

Stéphane a presque tout poncé, la ponceuse devient lourde et je n’arrive pas à poncer la coque pendant longtemps. Il y a de la poussière d’anti-fouling partout, tout est sale, on a toujours hâte de finir.

Après un lavage des coques, nous avons peint le primaire au rouleau. Ensuite il faut peindre l’anti-fouling couche par couche. Cette année nous avons utilisé les services d’une entreprise qui peint l’anti-fouling au pistolet airless (sans air). Ils sont venus à l’heure et le travail a été fait dans les temps. Hourrah, il y a encore des entreprises australiennes qui tiennent la route.

 

Réparations de gelcoat

Le gelcoat est la résine posée au-dessus de la fibre de verre, c’est la partie brillante qu’on voit de la coque, c’est elle qui protège la fibre. Il arrive malheureusement qu’il y a des jetons quand par exemple une chose tombe ou tape dessus ou qu’avec l’âge il y ait des petites fissures. Nous avons engagé une personne pour faire ces quelques réparations. Il est venu quelques heures pour poncer les jetons, il est parti en milieu de travail un vendredi à 15h et nous ne l’avons plus jamais revu. Le lundi il a fait le pont car le mardi était un demi-jour férié et le mercredi il pleuvait… Les excuses ont continué de pleuvoir alors que notre fibre de verre était à nu et commençait à pomper l’eau.

A quelques heures de la mise à l’eau, nous avons toujours encore la fibre de verre à nu juste à côté de l’échelle de bain à quelques centimètres de la ligne de flottaison. Nos copains du bateau sœur d’OLENA ont trouvé une super employée qui fait du bon travail sur leur bateau. Ils nous l’envoient vite afin qu’elle puisse finir le travail pour qu’on puisse mettre à l’eau. Merci à eux, merci à elle !

 

Le polish

Stéphane aime bien avoir les coques lustrées, ce qui protège le gelcoat. Ce travail est plus simple à faire lorsqu’on est hors de l’eau. Comme on ne peut pas tout faire nous-même, on avait engagé une personne pour le faire.

En Australie, c’est un peu compliqué de trouver du personnel, surtout de trouver des gens qui veulent bien travailler. La personne qui nous avait dit venir travailler n’est jamais venue et il nous a envoyé son frère qui a voulu faire le travail sans notre aide, à une vitesse escargot.

A Fiji à 4 employés il leur a fallu 1 journée pour toute la coque, le dessus du bateau et ils ont même lustré les barres inox. En 4 jours, le type a lustré les coques extérieures, les jupes et un peu à l’intérieur à l’avant. Le reste de la coque intérieure c’est Stéphane qui l’a fait. Le dessus du bateau n’a pas été lustré, le type étant bien trop lent.

 

Sellerie

Nous avons énormément de travaux de sellerie à faire. Le tissus Sunbrella des fermetures du cockpit arrive au bout et commence à se déchirer et n’est plus étanche, les fenêtres que j’ai mises en 2019 deviennent cassantes, les fermetures éclaires se cassent : c’est le moment de tout changer.

Je me rends chez un sellier pour en discuter et également me renseigner pour les mousses pour mes coussins de cockpit, qui une fois de plus ont fini à plat au bout de 3 mois. Le chef va passer mais pas aujourd’hui.

Une semaine plus tard je me rends à nouveau chez eux à la recherche de matériel. A la question de l’employée j’ai carrément répondu « il n’est pas venu voir le travail en une semaine, je sais d’avance qu’il n’aura jamais fini le travail à temps avant notre départ donc vous pouvez oublier ma requête ».

Ayant pris la décision de le faire moi-même, car « on est jamais mieux servis que par soi-même » je me suis mise à la recherche du matériel. Mon amie allemande de JAJAPAMI, également au carénage mais au chantier voisin, m’amène chez Nauti Covers, un sellier installé dans leur chantier. J’ai trouvé ma perle rare ! En manque d’employés et n’en trouvant pas il est en train de tout déménager chez lui et ne demande qu’à diminuer son stock.

En discutant avec lui du problème des mousses de cockpit nous avons trouvé une possible solution. Il me laisse utiliser son matériel dont sa scie à mousse. En fait il me laisse tout son atelier à disposition avec une confiance aveugle, parfois j’y suis seule pendant de bons moments. Il a tant plaisir à me voir toute épanouie à enfin pouvoir réaliser mes projets ! Il m’engagerait bien et franchement ça aurait été un boulot qui m’aurait plu. Mais je n’ai pas le visa pour travailler en Australie et nous sommes que de passage.

Je me rends en vitesse chez l’un de ses fournisseurs chercher de la mousse car il n’en a pas assez. J’ai trouvé le Sunbrella qu’il nous faut chez un autre de ses fournisseurs, mais comme ils ne vendent pas aux privés c’est lui qui l’a commandé et je l’ai payé au prix revendeur à son fournisseur au moment où j’ai été le chercher. J’ai acheté presque tout le matériel qu’il me faut pour faire ces fermetures chez lui. Tim est heureux de voir son stock diminuer et moi heureuse d’avoir ce qu’il me faut.

Il me refile des mousses rondes et un reste de Sunbrella beige qu’il allait jeter pour que je puisse faire des dossiers pour le banc autour de notre table.

J’ai passé plusieurs heures chez lui pendant plusieurs jours. Tim m’a appris beaucoup de choses, merci à lui !

Quant à mes projets de couture, je ne sais pas quand j’aurai le temps de m’y atteler. En attendant j’espère que le plastique des fenêtres rétrécisse avant que je couse. Car sur celles cousues en 2019, elles ont rétréci de 4cm sur les 80cm de largeur ! C’est énorme et nous peinons à les fermer.

 

Retour à l’eau


Les réparations de dernières minutes étant finies, nous sommes enfin prêts à retourner à l’eau.

La grue vient chercher OLENA. Ils nous font monter à bord juste avant la mise à l’eau afin qu’on puisse faire la manœuvre pour sortir du box.

A peine dans l’eau Stéphane fait le tour de tous les passes-coques pour être sûr que nous sommes étanches. Tout va bien, aucun passe-coque ne fuit.


Il fait un tour des cales moteurs et horreur, le joint du saildrive tribord fuit ! Nous restons pendus à la grue, les employés partent faire leur pause de midi. Pendant ce temps Stéphane téléphone et court chez le mécanicien demander conseil. Nous n’avons rien fait aux saildrives quel est le problème ? Le mécanicien lui dit que ça arrive parfois, qu’il suffit de serrer un peu les vis. C’est ce que nous faisons et tout rentre dans l’ordre. OLENA va mouiller à quelques mètres du chantier sans heurts.

 

Conclusions

Avec tous ces exemples vous aurez compris qu’on a caréné à un endroit qui semblait être le paradis pour le faire mais qu’au final nous étions bien mieux servis à Fiji où il n’y avait pas grand-chose mais où les gens veulent bien travailler !

Tous se plaignent qu’ils manquent de personnel, que c’est dû à la pandémie… Mais ce que nous avons surtout vu ce sont des gens qui n’ont pas envie de travailler et qui partent dès qu’ils en ont l’occasion. Vers 15h le chantier commençait à se vider, à 16h tout était fermé même le ship-chandler (magasin d’accastillage).

A notre avis, si des sous-traitants ou entreprises navales indiennes ou chinoises viennent s’installer dans la région ce sera la fin des entreprises australiennes. Car eux sont des bosseurs !